La sixième extinction

L'ensemble du monde vivant subit actuellement une crise de biodiversité comparable en intensité aux grandes extinctions de masse des temps géologiques (Ceballos et al, Sci. Adv. 2015) dont la plus célèbre, la crise Crétacé-Tertiaire, il y a 65 Ma, a été à l'origine de la disparition des dinosauriens non-aviens, des ptérosauriens et des plésiosauriens.

 

La vitesse actuelle d'extinction des espèces est telle qu'elle pourrait conduire à la disparition de 50%  des espèces en moins de 100 ans. Au moins 765 espèces recensées ont déjà disparu depuis 1500. 41% des espèces d'amphibiens, 26% des espèces de mammifères et 13% des espèces d'oiseaux sont menacées d'extinction à court terme. (Monastersky, Nature 2014).

 

Les populations de nombreuses espèces d’oiseaux déclinent rapidement. Plusieurs études  européennes concordantes indiquent une diminution de l'ordre de 50 % du nombre d'oiseaux depuis les années 1960. Les passereaux sont particulièrement concernés. On observe de véritables effondrements pour certaines espèces (par exemple : -62% pour la Grive des bois depuis 1966 ; -86% pour le Bruant ortolan depuis 1981).

La situation est similaire aux Etats-Unis et en Asie.

 

Les raisons de l'hécatombe : la destruction des habitats, l'agriculture intensive (pesticides, déforestation), l'urbanisation (vitres, lumières), l'impact des chats domestiques (l'espèce est invasive en Europe et aux Etats-Unis), la chasse irraisonnée.

 

Un blongios nain que j'ai eu la chance de photographier en Brenne en 2013. L'espèce est menacée au niveau européen. La cause de son déclin rapide (-80% depuis 1968) est attribuée à la disparition et à la dégradation de son habitat : les roselières des zones humides.

 

          Bruant ortolan (crédit photo : Pierre Dalous)


L'extermination des ortolans

Jadis nicheur en Belgique, le Bruant ortolan n'est plus observé que très rarement en période de migration. L'espèce est en grand danger : La population a chuté de 40% entre 2001 et 2011. Pourtant, au nom de la tradition culinaire landaise, on braconne encore et toujours les ortolans. Chaque année 30.000 ortolans sont chassés illégalement en France à la fin de l'été. Comme si la tradition culinaire française était une justification suffisante, certains des plus grands cuisiniers (y compris Alain Ducasse et Michel Guérard) revendiquent le droit de les cuisiner malgré tout.  Il faut encore préciser que la recette traditionnelle implique qu'après l'avoir capturé vivant, il faut enfermer l'ortolan dans une minuscule cage,  dans le noir, durant 23 jours et le gaver au millet puis le noyer dans l'armagnac avant de le rôtir. Génial! Ils ont l'air malin avec leur serviette sur la tête (pour mieux humer les arômes d'ortolan, parait-il).  Les braconniers risquent une amende de 1500€. Risible quand on sait qu'ils vendent chaque ortolan 150€, que les gendarmes ont la fâcheuse tendance à regarder ailleurs et que les responsables politiques locaux ne veulent pas se mettre à dos les chasseurs d'ortolan (les braconniers et les gastronomes, gardiens de la tradition, votent aussi figurez-vous).

 

Beaucoup d'autres cruautés se justifient par la tradition. On égorge des moutons sans les étourdir. On fait mourir des taureaux sous les piques et les banderilles. Et je ne parle même pas des cruautés que les hommes sont capables d'infliger à leurs semblables au nom de leurs coutumes ancestrales.

 

Autre exemple emblématique : la quasi-disparition des rhinocéros en raison d'une croyance traditionnelle très rependue dans les pays asiatiques. Depuis des millénaires, des charlatans cupides font croire à de vieux messieurs impuissants (mais riches) que la consommation de poudre de corne de rhinocéros leur rendra leur virilité et leur santé perdue. Croyance infondée qui confère à la corne de rhinocéros (c'est-à-dire de la kératine comme on en trouve dans nos ongles) des vertus absurdes et un prix astronomique. A 80.000€ le kg de corne, ils feraient mieux de se ronger les ongles. En attendant les rhinocéros en crèvent.